Ça sent quoi une molécule de synthèse ?

Éthyl-maltol, aldéhyde, calone… Bien moins évocatrices que la rose ou la tubéreuse, elles ont pourtant une place importante dans la palette olfactive des parfumeurs et sont à l’origine de la création de nombreux jus célèbres.

Nez passionnés ou néophytes, nous sommes sûrs que ces noms pour le moins poétiques vous sont familiers. Et pour ceux à qui cela ne dit rien, il s’agit tout simplement de molécules odorantes synthétiques - autrement dit, fabriquées en laboratoire - que l’on retrouve dans vos parfums mais aussi vos cosmétiques et même parfois vos aliments.

Mais finalement, quelles sont les odeurs qui se cachent derrière ces noms scientifiques - et imprononçables pour certains ? Pour connaître sur le bout du nez tous les secrets olfactifs des molécules synthétiques présentes dans vos parfums, continuez la lecture !

I. Historique et définition de la synthèse

Vous l’aurez compris, la chimie et la découverte de la synthèse au XIXème siècle a résolument bouleversé l’industrie du parfum. C’est grâce à ces dernières que l’industrie est telle que nous la connaissons aujourd’hui : riche et aux possibilités infinies. Mais pourquoi la synthèse a t-elle tant bouleversé l’industrie ?

Sous forme de poudre, de liquide ou de cristaux, les matières premières synthétiques ont divers avantages. Dans les grandes lignes, elles permettent aux parfumeurs :

  • de recréer à bas coût des odeurs que l’on trouve dans la nature,
  • d’élargir leur palette avec des odeurs qui n’existent pas (senteurs alimentaires) ou qui sont impossible à extraire naturellement (comme certains bois, certains fruits et certaines fleurs que l’on appelle des fleurs "muettes"),
  • d’extraire des composants intéressants d’une matière première naturelle,
  • de protéger les animaux et de remplacer les matières premières rares, parfois menacées d’extinction et permettre de résoudre certaines problématiques liées aux conditions d’approvisionnement,
  • et enfin, d’apporter de la stabilité aux compositions du fait de leur structure simple et bien moins complexe que leurs amies naturelles - qui peuvent être constituées de plus de 200 molécules comme le jasmin ou la vanille par exemple - tandis que du côté de la synthèse, les chimistes choisissent et utilisent à leur guise, les molécules odorantes synthétiques qui les intéressent pour la création de leur jus.

Obtenues artificiellement en laboratoire, à l’aide de divers procédés chimiques, les molécules synthétiques peuvent :

  • reproduire à la perfection l’odeur d’une molécule naturelle, on parle alors d’"identique nature".
  • être le résultat de molécules isolées de leur structure naturelle, légèrement modifiées synthétiquement pour leur donner des propriétés odorantes qu’elle n’avaient pas à l’origine. On parle dans ce cas, d’hémi-synthèse.
  • être totalement imaginées, inventées et créées en laboratoire. C’est ce qu’on appelle la synthèse totale et les produits qui en résultent sont des molécules dite "artificielles".

Chez Bastille, nos parfums sont composés à 5% de synthèse. Nous savons que la synthèse est sujet de débat, mais pour nous : naturel et synthèse se complètent. C’est avant tout une question d’équilibre.

Tout n’est pas mauvais dans la synthèse et tout n’est pas "clean" dans la nature. C’est pourquoi tous nos ingrédients (synthétiques et naturels) sont soigneusement sélectionnés dans le respect de la planète et de votre peau pour donner vie à des accords exceptionnels : vous y retrouverez uniquement des ingrédients de qualité et surtout zéro perturbateur endocrinien, phtalate, parabène, solvant, stabilisant, colorant, filtres anti-UV bien évidemment aucun ingrédient classé CMR. Vous parfumer en toute liberté est maintenant possible avec Bastille.

Pour en savoir plus sur les molécules de synthèse : leur histoire, leur utilisation, leur controverse et comment s’assurer qu’elles sont sans danger, on vous donne rendez-vous sur notre article dédié ! Cela étant dit, passons maintenant au vif du sujet : ça sent quoi exactement une molécule synthétique ?

II. Les principales notes synthétiques en parfumerie

C’est parti pour une petite balade olfactive autour des molécules de synthèse les plus utilisées par les Nez.

On aurait adoré vous répertorier toutes les molécules de synthèse et leur odeur caractéristique mais sur 4000 matières premières de la palette du parfumeur, 90% sont issues de la synthèse - ça fait beaucoup mais pas de panique, vous trouverez dans la suite de l’article, les molécules de synthèse les plus connues. Cela devrait être largement suffisant pour briller à votre prochain dîner de famille !

Le précurseur : la coumarine

La coumarine est le tout premier ingrédient synthétique à avoir été utilisé en parfumerie.

structure moléculaire de la coumarine

Substance à l’origine naturelle, la coumarine a d’abord été extraite pour la première fois en 1820 à partir des fèves tonka par Heinrich August von Vogel. Elle a ensuite été synthétisée en 1868 par le chimiste W.H. Perkin puis améliorée pour commercialisation industrielle en 1877. Quelques années plus tard, en 1882, elle sera utilisée par le parfumeur Paul Parquet pour créer Fougère royale - parfum à l’origine de la création de l’accord et de la famille dite "fougère" (composé de lavande, de géranium, de notes boisées et bien sûr de coumarine, indispensable à la constitution de cet accord).

On la retrouve généralement en note de fond dans de nombreux parfums car elle est très prisée pour son rôle de fixateur et sa complexité olfactive : à la fois douce, poudrée, crémeuse et amandée, elle peut aussi évoquer le foin fraîchement coupé, de paille ou encore de tabac blond.

Les notes animales : ambre et muscs

Les matières premières synthétiques suivantes sont le résultat de l’encadrement et/ou de l’interdiction de leur version naturelle en parfumerie. Issues des animaux, les notes animales sont des odeurs incontournables de la parfumerie : souvent utilisées en notes de fond, elles permettent de renforcer d’autres notes déjà présentes dans les parfums. Elles apportent de la tenue aux compositions de part leur ténacité et leur force.

En revanche, si elles sont aujourd’hui remplacées par des alternatives synthétiques c’est tout simplement parce qu’elles sont rares (et par conséquent onéreuses) et que leurs conditions d’extraction ne sont pas toujours respectueuses de nos amis les animaux. Voici les plus connues d’entre elles :

L’ambroxan

À l’état naturel, l’ambroxan provient de l’ambre gris qui n’est autre que les sécrétions du cachalot retrouvées et récupérées sèches et durcies sur les plages (oui, oui). Aujourd’hui, cette matière première naturelle est remplacée par une alternative synthétique pour des raisons d’éthique, de prix et de qualité - car la quantité d’ambre gris récoltée chaque année est très aléatoire, tout comme sa qualité.

Son équivalent synthétique a ainsi été découvert par le chimiste Max Stoll en 1950 pour avant tout répondre aux besoins des parfumeurs : c’est en modifiant légèrement la sclaréol - structure de la sauge sclarée - qu’il a découvert qu’une molécule avait une odeur proche de celle de l’ambre gris.

structure moléculaire de l'ambroxan

Cette matière première séduit bon nombre de nez : très riche et facetté, l’ambroxan est la plupart du temps utilisé en note de fond. Il offre des senteurs boisées, ambrées, voire animales, et est très prisé dans les compositions orientales pour sa sensualité et sa chaleur.

Vous pouvez d’ailleurs le retrouver dans :

  • Un Deux Trois Soleil, notre oriental espiègle de la collection où l’ambre apporte rondeur et chaleur à la composition
  • mais aussi dans Bataille, notre boisé incandescent où l’ambre dévoile davantage ses facettes boisées
  • et plus surprenant encore, dans Hors-Piste, notre eau de Cologne moderne et impertinente qui reproduit à la perfection un de nos cocktails favoris : le gin tonic - à consommer avec modération bien sûr !

Les muscs

Les muscs synthétiques que l’on utilise aujourd’hui en parfumerie sentent le propre, ont une odeur cotonneuse et légèrement fruitée. Découverts dans les années 50, les muscs dit "blancs" donc de laboratoire, viennent remplacer le musc d’origine animale désormais interdit car sa récolte pouvait entraîner la mort de l’animal.

Alternative plus respectueuse et cruelty-free, l’odeur des muscs synthétiques n’en reste pas moins différente de son équivalent naturel : à l’état pur, le musc du chevrotin libère une odeur extrêmement forte et intense aux notes boisées et animales tandis que les muscs de laboratoire sentent le propre… Le musc naturel et les muscs synthétiques sont différents et non pas équivalents.

D’autres matières premières animales (castoréum, hyracéum etc…) ont aussi été remplacées par des alternatives synthétiques (et même naturelles) en raison de leur encadrement ou leur interdiction - pour en savoir plus à ce sujet, rendez-vous sur notre article dédié "Les notes animales : parfums de scandale".

Aldéhydes 

Passons maintenant aux aldéhydes. Ce sont des molécules synthétiques existant à l’état naturel notamment dans le zeste des agrumes.

Introduits pour la première fois à l’état synthétique dans la parfumerie fine en 1921 avec la création du célèbre "Chanel N°5", les aldéhydes sont classés par nombre d’atomes de carbone allant de C6 à C12. Selon leur nombre, leur odeur diffère. Cependant, ils sont tous plus ou moins reconnaissables à leur odeur métallique, grasse, chaude et peuvent être plus ou moins orangé, grinçant, savonneux, avec parfois un effet "fer à repasser". Ils donnent généralement de l’envolée et de la puissance aux compositions florales.

Pour les plus experts, on vous voit venir ! Il existe bel et bien des aldéhydes allant au-delà de C12. En revanche, ils ne font pas partie de cette catégorie de molécules précédemment décrites. Les aldéhydes C14, C16 et C18 ont des facettes olfactives différentes et font partie d’une toute autre famille, celle des lactones… Mais on y reviendra dans la suite de l’article !

Vanille

Gourmande, rassurante, douce, régressive mais aussi sensuelle, suave et voluptueuse, la vanille et plus précisément la vanilline (principal constituant odorant de la vanille) est une matière première qui peut être utilisée à l’état naturel dans la composition de vos jus. Mais son long et méticuleux processus d’extraction fait de la vanille une matière première naturelle rare et coûteuse - 170€ le litre environ.

Cueillie encore fraîche, la vanille est d’abord plongée dans l’eau bouillante (étape de l’échaudage), mise en couverture pendant au moins 24h (étape de l’étuvage) et mise à sécher pendant de longs mois avant de délivrer son sublime parfum… C’est pourquoi elle est souvent substituée par des alternatives synthétiques :

  • la vanilline synthétique,
structure moléculaire de la vanilline
  • et l’éthyl-vanilline, dérivé synthétique 10x plus puissant que la vanilline
structure moléculaire de l'éthylvanilline

    Ce défi de reproduire synthétiquement la vanilline a d’ailleurs été relevé par deux chimistes Wilhelm Haarmann et Ferdinand Tiemann en 1874. Cette découverte fut majeure en parfumerie, car elle a permis de réduire les coûts tout en gardant "l’authenticité" de la vanille.

    C’est quelques années plus tard, en 1920, que l’éthyl-vanilline, dérivé synthétique de la vanilline, fait son apparition sur l’orgue des parfumeurs. Elle reprend l’odeur de la vanilline tout en étant 10 fois plus forte. Son prix est plus élevé que la vanilline synthétique mais reste largement moins cher que la vanille naturelle.

    À noter tout de même que la vanilline et l’éthyl-vanilline n’ont pas la même complexité et la même richesse olfactive que la vanille naturelle : les équivalents synthétiques dégagent une odeur de vanille plus gourmande et sucrée alors que la vanille naturel peut offrir bien plus de possibilités et de facettes différentes - chaudes, fumées, sucrées, suaves, boisées, épicées voire même tabac.

    La calone, l’odeur des embruns

    Odeurs d’algues, d’iode, d’embruns marins... Les notes marines laissent échapper des notes vivifiantes, fraîches, d’eau salée qui donnent cette sensation de liberté nous rappelant l’air vif marin.

    structure moléculaire de la calone

    Cyprès bleu, lotus, criste marine, algue, mousse de chêne avec ses tonalités iodées ou même pastèque et melon pour leurs notes aqueuses, les notes marines généralement présentes en notes de tête d’un parfum sont arrivées à bon port - dans vos flacons - grâce à une matière première synthétique : la calone (techniquement appelée Calone 1951) une molécule de synthèse découverte en 1966 !

    Sa structure, similaire à celle des phéromones produites par certaines espèces d’algues et son odeur aqueuse et iodée, ont été découverts à la suite d’une expérience décevante qui devait à l’origine donner lieu à la création d’un additif à usage pharmaceutique.

    Cette découverte non-attendue a résolument permis aux parfumeurs de se jeter à l’eau et même de découvrir d’autres molécules de synthèse aux odeurs d’embruns comme la melonal, la floralozone ou l’évernyl - une note de mousse de bois légèrement marine…

    Les lactones

    Les lactones sont une famille de matières premières synthétiques que l’on reconnaît à leur odeur fruitée, veloutée et crémeuse pouvant rappeler la pêche, l’abricot et la noix de coco. Elles ont inondé la parfumerie des années 2000 avec notamment le parfum Mitsouko de Guerlain - mais aussi l’industrie alimentaire notamment dans les yaourts ou les bonbons par exemple. Parmi elles, nous retrouvons :

    • la fameuse Coumarine qui, avec ses notes de foin coupé, amandées et noisette peut rappeler l’odeur de la colle Cléopâtre - si vous étiez du genre à la renifler en cours de dessin, Un Deux Trois Soleil, notre oriental espiègle aux notes d’amande, d’héliotrope et de fève tonka, risque de vous plaire !
    • la gamma-undecalactone, un sirop d’abricot ou de pêche.
    • l’Undecalactone delta qui sent le lait chaud.
    • et aussi l’Aldéhyde C18 ! Évoquée plus haut dans l’article, cette aldéhyde ne fait pas partie des aldéhydes précédemment décrites - tout comme les aldéhydes C14 et C16, l’Aldéhyde C18 est une note synthétique fruitée et gourmande.

    L’odeur gourmande de l’éthyl-maltol

    On termine sur une note gourmande, nous avons nommé l’éthyl-maltol !

     molécule d'éthyl-maltol

    Molécule de synthèse découverte en 1969, l’éthyl-maltol est aujourd’hui très utilisé depuis le succès du grand oriental gourmand Angel de Thierry Mugler, lancé en 1992.

    Il s’agit d’un dérivé artificiel six fois plus puissant que son ami naturel, le maltol, que l’on retrouve dans le cacao et le malt torréfié. Son odeur de caramel, de fruits cuits aux accents de praline, fait de lui une molécule largement utilisée en parfumerie et sert à créer des accords gourmands aux notes sucrées, ultra gourmandes et régressives.

    Addictive ou insupportable (chacun ses goûts après tout !), l’éthyl-maltol n’en reste pas moins une matière première synthétique omniprésente des parfums "féminins-gourmands".

    Voilà vous savez désormais ce que sent la plupart des molécules de synthèse présentes dans vos flacons !

    D’ailleurs, si vous souhaitez découvrir davantage de molécules synthétiques et leurs propriétés odorantes, sachez que vous pouvez retrouver la liste complète des ingrédients de nos parfums sur notre site internet et le rôle de chaque ingrédient synthétique dans la formule ! Par exemple, l’Ethyldecadienoate/cis-4 trans-2 est utilisée dans Rayon Vert pour ses notes vertes et de poire et l’Undecalactone - delta est utilisée dans Demain Promis pour ses facettes lactées et ses notes de pêche. On vous avait dit que vous deviendriez des as de la synthèse ;)

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    Sources : ScenTree.co, Nez, sylvaine-delacourte.com


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