On sait que les perturbateurs endocriniens sont néfastes, et pourtant... il est difficile de les éviter au quotidien. Voici les conseils de Marion Baudet, nutrithérapeute, spécialisée dans les questions de santé de la femme et des hormones.
Bonjour Marion ! Tu étudies les perturbateurs endocriniens depuis plusieurs années. Pour nous aider à mieux les comprendre, commençons par le commencement : peux-tu nous expliquer ce qu'est une hormone ?
Une hormone, c'est un messager chimique qui est produit par les glandes de notre corps comme par exemple les ovaires, la thyroïde, ou les glandes surrénales. Ce messager est envoyé à destination d'un ou plusieurs de nos organes, et **agit sur leur comportement.**Par exemple : le cortisol, qui est l'hormone du stress, est sécrété par les glandes surrénales pour aider notre corps à réagir en situation d'urgence. Ce messager va se disperser dans notre corps et générer (entre autres) un afflux de sucre dans le sang, qui sera converti en énergie et dirigé vers les muscles de nos jambes pour que l'on puisse prendre la fuite plus vite face au danger.
Parmi les hormones connues, on compte aussi les oestrogènes, l'insuline, la progestérone… et bien d’autres !
Quels sont les facteurs naturels qui influencent nos hormones en temps normal ?
Les mécanismes hormonaux sont sensibles aux variations de notre quotidien : le changement de rythme de vie, le manque de sommeil, la pratique d'exercice physique... et bien sûr, l'alimentation. Ça, c'est ma spécialité : en tant que nutrithérapeute, j'aide chacun, et en particulier les femmes, à prendre soin de ses hormones et donc de son corps par l'alimentation.
Chez les femmes, le cycle menstruel en particulier induit des variations d’hormones et déclenche des besoins spécifiques, auxquels on peut répondre par l'alimentation. Pendant nos règles par exemple, le corps est engagé dans un processus intense pour éliminer l'endomètre. Il peut être intéressant de manger des aliments riches en fer, pour compenser celui qu’on perd à ce moment là.
Les perturbateurs endocriniens, eux aussi, agissent sur nos hormones. Peux-tu nous expliquer comment ?
Un perturbateur endocrinien est une substance qui n'est pas naturellement présente dans notre corps, et qui ressemble à s’y méprendre à nos hormones. On l’absorbe par l’alimentation, par l'air qu'on respire, par les produits qu'on utilise au quotidien... Le danger, c'est justement que notre corps peut s'y tromper : les perturbateurs endocriniens viennent se greffer sur les récepteurs hormonaux de nos cellules à la place de nos messagers chimiques naturels, et "brouillent la communication" entre nos organes. Voire, ils impactent carrément la production de nos hormones naturelles, en interférant avec leur mécanisme de synthèse.
Quelles sont leurs conséquences sur notre santé ?
Sous l'action des perturbateurs endocriniens, nos cellules réceptrices, et donc nos organes, se mettent à se comporter d'une façon anormale. Cela peut impliquer de nombreux troubles de santé très divers, des plus légers comme une fatigue générale, aux plus graves comme les cancers ou l'endométriose. Cette maladie touche désormais 10% des femmes en âge d'avoir un enfant en France et on soupçonne largement les xéno-oestrogènes (les perturbateurs endocriniens qui imitent nos oestrogènes) de la favoriser.
Mamans et futures mamans, si la question des perturbateurs endocriniens vous préoccupe, retrouvez un article complet ici, issu de notre entretien avec Élisabeth Latour de Mareuil, sage-femme depuis plus de 35 ans, homéopathe et auteur d'ouvrages à destination du corps médical.
Si les perturbateurs endocriniens sont absorbés en toute petite dose, est-ce moins dangereux ?
Malheureusement non ! Comme ils reproduisent le fonctionnement de nos hormones naturelles, qui elles-mêmes fonctionnent en toutes petites doses, il suffit de traces de perturbateurs endocriniens pour brouiller les pistes dans notre corps. En fait, il faut le voir comme une allergie : si vous êtes allergique aux cacahuètes, il en suffit d'une pour déclencher une réaction violente de votre corps - pas besoin d'avaler tout le paquet pour que les problèmes arrivent...
Comment les repérer dans nos produits quotidiens ?
Ce qui est inquiétant avec les perturbateurs endocriniens, c'est qu'ils sont partout ! Ces substances, essentiellement issues de l'industrie agro-chimique, sont utilisées pour la fabrication de beaucoup de nos produits et objets du quotidien, et par ailleurs elles subsistent longtemps dans l'environnement lorsqu'elles y sont rejetées avec nos déchets. Et il est très difficile de trouver de l’information fiable à leur sujet. Ainsi, l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) a signalé en 2019 que plus de 70% des substances chimiques fabriquées en Europe présentaient des lacunes en matière de test ou d’information sur leur toxicité éventuelle !
Alors, comment faire ? Déjà, il faut connaître les principaux suspects qu'on retrouve en général dans nos produits, à savoir : des ingrédients de synthèse comme les bisphénols, les phtalates, les parabènes. Dès qu'on en voit sur les étiquettes de nos produits, ça doit nous alerter. Ensuite, il faut avoir l'oeil sur le plastique ! Il n'y a pas que pour la planète qu'il représente un danger : c'est dans les emballages plastique qu'on va retrouver le plus souvent du bisphénol, des phtalates... C'est pour cela que même si ça nous paraît étonnant, l'eau du robinet est une meilleure option que l'eau en bouteille - et ça, même pour les bébés. Assurez-vous cependant d’investir dans un bon filtre à eau.
Enfin, en matière d'alimentation il vaut mieux mieux privilégier le bio, puisque les résidus de pesticides qu'on retrouve sur nos aliments peuvent également être perturbateurs endocriniens.
Quels sont les bons réflexes à adopter pour débarrasser sa salle de bains des perturbateurs endocriniens ?
Là encore, la solution est de lire les étiquettes - ce qui veut dire privilégier des marques transparentes sur leur composition. Voilà les principales substances à bannir :
- les sulfates, agents moussants qu'on retrouve souvent dans nos shampoings sous la dénomination "sodium lauryl sulfates"
- les silicones, également ajoutés dans nos shampoings pour gainer artificiellement les cheveux. Sur l’étiquette, on les retrouve souvent sous des noms finissant par “-methicone” ou “-siloxane”
- le triclosan, un antibactérien et squatteur invétéré de nos dentifrices et déodorants
- les phtalates, en grande partie interdits mais qui subsistent encore parfois comme agents fixateurs, notamment dans les parfums et les vernis à ongles
- les additifs type BHA, BHT, et les filtres anti-UV comme le benzophénone.
On le sait, ce n'est pas évident de s'y retrouver donc comme pour l'alimentaire, l'idéal est de commencer par une première étape simple : privilégier les marques de cosmétiques naturels ou bio - c'est aussi valable pour les parfums naturels, évidemment. La bonne nouvelle, c'est que ça va souvent de pair avec des produits plus respectueux de la planète !
Et transparentes ! C'est le sens de notre démarche chez Bastille. Par ailleurs, une autre question fréquente : si j'achète mes produits de beauté en pharmacie, est-ce que cela me garantit d'éviter les perturbateurs endocriniens ?
Malheureusement, non. Vérifiez toujours les compositions de vos produits ! On trouve en pharmacie des marques intéressantes comme Même - qui font très attention à leur composition car leurs produits sont à destination des femmes atteintes de cancer - mais cela n'est pas le cas de toutes : restez vigilants.
Est-ce que tu as des conseils pour les femmes qui souhaitent arrêter la pilule ?
La pilule est une imitation synthétique de nos hormones, qui fait croire à notre cerveau que nous avons assez d'hormones sexuelles dans le sang pour qu’il bloque leur production naturelle. Résultat : pas d'ovulation et donc pas de cycle naturel. En ce sens, c'est bien entendu un perturbateur endocrinien, et lorsqu'on l'arrête, il faut aider notre corps à redémarrer naturellement. À titre d'exemple, la pilule demande beaucoup de travail au foie, dont une des fonctions est de filtrer le sang pour retirer les hormones usées ou bien présentes en trop grandes quantité.
La pilule, c'est donc beaucoup de boulot pour le foie ! Quand on l'arrête, le foie est bien souvent KO, ce qui peut contribuer à pas mal de désagréments comme l'acné post-pilule. Pour lui donner un coup de main, il faut manger suffisamment de protéines par exemple. Elles doivent représenter 25% de notre assiette à chaque repas. Elles peuvent être animales ou végétales, mais attention : un certain nombre d'acides aminés essentiels au foie (comme la cystine) se trouvent quasi uniquement dans les produits animaux.
Enfin, quels sont les signes qui peuvent nous alerter sur de possibles déséquilibres hormonaux ?
Chez les femmes, des cycles perturbés - règles abondantes, particulièrement longues ou courtes, douloureuses, inexistantes - mais aussi les maladies gynécologiques comme l’endométriose, le syndrôme des ovaires polykystiques, les fibromes, l’hypo- ou l’hyperthyroïdie, des problèmes d’acné, l'irritabilité, les crises de larmes, la fatigue chronique, la perte de cheveux anormale, les variations de poids… Tout cela doit nous alerter. La liste est longue, car le corps est une mécanique très complexe - et il ne faut pas oublier que les symptômes peuvent aller au-delà de ce qu’on associe généralement à nos hormones : par exemple, un sommeil perturbé ou des réveils difficiles peuvent également être le signe de déséquilibres hormonaux. Le tout est de rester à l’écoute de votre corps, et de ne pas hésiter à demander à votre médecin généraliste d’investiguer si besoin est !
Il vous reste des questions ? N'hésitez pas à vous renseigner sur le site de Marion Baudet.
Photos : Marion Baudet, Louise Le Chat, Stephanie Russo
Commentaires (0)
Il n'y a pas de commentaires pour cet article. Soyez le premier à laisser un message !